La loi de réforme de l’asile promulguée pour le meilleur et surtout pour le pire
La loi de réforme de l’asile a été promulguée le 29 juillet par sa publication au journal officiel. L’ACAT regrette que le Conseil constitutionnel n’ait pas été saisi par le gouvernement avant la promulgation du texte, chose exceptionnelle pour une loi sur l’asile. Le ministère de l’Intérieur, à l’origine de cette réforme, craignait-il de voir son texte retoqué par les sages, garants des libertés ?
Selon Eve Shahshahani, responsable asile à l’ACAT, « cette loi fait globalement reculer les droits des demandeurs d’asile. Elle restreint leurs libertés en racornissant leurs possibilités d’être écoutés, compris et entendus dans leurs craintes de persécutions, et par conséquent protégés contre un renvoi dans leur pays d’origine. Les va-et-vient du texte, durci ou adouci à la marge selon les chambres, entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ne doivent pas masquer la réalité de ce texte. »
- L’administration [1], et non le juge de l’asile, garde la mainmise sur des décisions cruciales pour le sort des exilés, puisque c’est elle qui décide qui sera traité normalement, et qui se verra opposer des fins de non-recevoir ou un traitement expéditif de sa demande (procédures accélérées, décisions de clôture et d’irrecevabilité). Dans cette idée dérangeante qu’il faut trier les personnes, c’est également l’administration qui devra jauger, sans moyens suffisants, qui est « vulnérable » ou pas.
- L’hébergement des demandeurs d’asile sera contraignant et attentatoire à leur liberté : chantage administratif ou dilemme légal (si on refuse l’adresse assignée, on n’a droit à rien, pas même l’allocation mensuelle minimale), fichage, surveillance et sanctions disproportionnées pour tout manquement, comme le retrait des subsides ou la radiation de la demande d’asile.
Des reculs lorsque les normes européennes le permettent
Le ministère de l’Intérieur slalome habilement entre les obligations fixées par Bruxelles. Toutes les mesures plus sévères que le régime français antérieur et qui sont tolérées par les directives européennes ont été mises en place (comme les décisions d’irrecevabilité, les fins de non-recevoir).
Celles qui sont plus favorables, et que les directives imposaient d’intégrer en droit français, comme le recours suspensif ou le droit au séjour, ont été mises en place a minima, édulcorées au point d’en perdre quasiment leur intérêt. Par exemple, on donne à tous les demandeurs d’asile un droit au séjour et un recours suspensif en théorie, mais l’administration peut le leur retirer à sa discrétion en milieu de parcours.
Les directives européennes avaient fixé au 20 juillet la date butoir pour mettre en place certaines garanties procédurales minimales, mais la France retardera leur application par une parade. Leur mise en place n’interviendra que pour les demandes d’asile formées après le 20 juillet 2015, si bien que tous les demandeurs d’asile en cours de procédure en seront privés.
Certaines règles nouvelles, notamment au niveau de l’OFPRA, prennent effet maintenant pour les demandes nouvelles uniquement. Les autres dispositions de la loi – néfastes, comme les accélérations et évacuations des demandes et plus favorables comme le recours suspensif – ne s’appliqueront qu’aux demandes d’asiles enregistrées à compter d’une date ultérieure, que la gouvernement fixera par un décret en conseil d’Etat, et qui ne pourra pas dépasser le 1er novembre 2015.
« C’est dans la déception et l’inquiétude que nous attendons la publication des décrets d’application de cette loi, qui préciseront notamment les délais des procédures accélérées et la mise en œuvre de l’hébergement « directif ». Comme les droits des demandeurs d’asile reculent, il faudra les défendre plus âprement encore » ajoute Eve Shahshahani.
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Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
Note aux rédactions :
- [1] les préfectures gardent la quasi-totalité du pouvoir de faire les constatations qui détermineront les décisions ensuite prises par l’OFPRA en ce qui concerne le traitement défavorable des demandeurs d’asile. L’OFPRA, malgré la consécration de son indépendance par la nouvelle loi, n’est pas une juridiction mais une administration. Ses décisions sont des décisions administratives.